L'opposant congolais Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle poursuivi par la justice de son pays, a quitté vendredi soir la République démocratique du Congo (RDC), officiellement pour se faire soigner en Afrique du Sud, sans perspective de retour à court terme.
M. Katumbi a décollé de l’aéroport international de Lubumbashi à bord d’un jet immatriculé ZS/AQS à 20H03 (18H03 GMT), a constaté le correspondant de l’AFP dans cette ville du sud-est de la RDC.
L’avion, à bord duquel sont montés M. Katumbi, son épouse et un médecin, doit rallier Johannesburg, où il devrait arriver vers 20H03 GMT, a-t-on indiqué de source aéroportuaire.
Richissime homme d’affaire âgé de 51 ans, M. Katumbi est arrivé à l’aéroport à bord d’une ambulance qui a roulé sur le tarmac jusqu’à l’appareil pour lui permettre d’embarquer.
Quelques heures plus tôt, les autorités de Kinshasa avaient annoncé avoir accédé à sa demande de quitter le pays pour se faire soigner en Afrique du Sud, au lendemain de l’annonce d’un procès engagé contre lui par l’État.
Néanmoins, « il y a des conditions [pour M. Katumbi], notamment ne pas s’exprimer bruyamment sur le dossier entre les mains de la justice », a précisé le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.
La justice congolaise a annoncé jeudi l’ouverture prochaine d’un procès pour atteinte à la sûreté de l’État contre M. Katumbi, candidat déclaré à la succession du président Joseph Kabila, qu’un récent arrêt de la Cour constitutionnelle autorise à se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat fin 2016.
Au vu des chefs d’accusation retenus contre lui, M. Katumbi encourt la peine de mort, une peine toutefois systématiquement commuée en prison à vie en RDC en vertu d’un moratoire sur l’application de la peine capitale.
Ex-allié de poids de M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, M. Katumbi est passé à l’opposition en septembre en même temps qu’il démissionnait de ses fonctions de gouverneur du Katanga (province du sud-est de la RDC démantelée depuis lors) et qu’il accusait M. Kabila de chercher à violer la Constitution pour se maintenir au pouvoir.
Aller simple ?
Le gouvernement congolais avait annoncé le 4 mai l’ouverture d’une enquête visant M. Katumbi, également président-propriétaire du célèbre club de football TP Mazembe, pour une affaire de « recrutement de mercenaires » après l’arrestation de quatre de ses gardes du corps, parmi lesquels un Américain.
Quelques heures plus tard, l’opposant avait officialisé le secret le moins bien gardé en RDC : sa candidature à la présidentielle censée avoir lieu avant la fin de l’année mais dont la perspective s’éloigne chaque jour davantage.
L’entourage de M. Katumbi affirme que ce dernier a été blessé lors d’affrontements entre la police et des milliers de ses partisans à Lubumbashi le 13 mai alors qu’il se rendait au palais de justice.
Selon eux, ce sont ces blessures qui sont à l’origine de son hospitalisation. Les détracteurs de M. Katumbi l’accusent quant à eux de simuler une maladie pour se soustraire à la justice.
« Pour le moment, son retour (en RDC) n’est pas à l’ordre du jour, il est parti se faire soigner », déclare-t-on dans son entourage.
Sam Bokolombe, professeur de droit pénal international à l’Université de Kinshasa estime que « pour peu que ses ambitions soient sérieuses, M. Katumbi n’a aucun intérêt à rester à l’étranger » et qu’il doit rentrer dès que possible pour faire face à la justice.
Mais en aura-t-il la possibilité ? Ses proches dénoncent une procédure bâclée destinée selon eux à éliminer un rival politique gênant pour M. Kabila.
Jeudi, Jason Stearns, chercheur à l’Université de New York et fin connaisseur du Congo, avait envisagé plusieurs issues à l’affaire Katumbi, voyant dans un départ à l’étranger « sans possibilité de retour » celle qui satisferait sans doute le mieux l’opposant et les autorités.
Jeune Afrique
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