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Dans un reportage publié le vendredi l09 décembre, Joan Tilouine, envoyé spécial du journal français Le Monde à Kinshasa, est allé à la rencontre des jeunes kinois qui se prépare "au 19 décembre"


A l’approche de la date fatidique du 19 décembre, à laquelle expire le mandat du président Joseph Kabila, et qui ne peut plus se représenter, la situation à Kinshasa demeure tendue, malgré l’ouverture jeudi des négociations directes entre le pouvoir et l’opposition.

Dans les quartiers pauvres de capitale congolaise, comme le relève ce reportage du journal Le Monde, des jeunes se préparent à descendre dans la rue. Pour la plupart, il s’agit surtout de « mettre fin à leur misère », en »chassant Kabila ».

Pour Paulin, qui habite Kingabwa, quartier défavorisé de la commune de Limete, la date butoir approche et pourrait, veut-il croire, changer son destin et celui de la République démocratique du Congo (RDC). Le « 19 », un chiffre devenu un symbole, un fantasme, un rêve ou une crainte. « On est prêt à libérer le Congo et je suis optimiste car je vois des Congolais déterminés à combattre pour le changement, la démocratie et des vies meilleures. On souffre trop », dit Paulin qui sourit lorsqu’on pointe son tee-shirt à l’effigie de Denis Sassou-Nguesso, qui dirige d’une main de fer, depuis trente-deux ans, le Congo-Brazzaville, de l’autre côté du fleuve. « Moi, je prends le tee-shirt, sans faire attention à ce qu’il y a dessus ».

Pendant que Joseph Kabila manœuvre, face à une opposition fissurée, pour se maintenir au pouvoir jusqu’à sembler consentir à l’organisation d’une élection en avril 2018, des millions de laissés-pour-compte rêvent de peser sur l’Histoire le « 19 ». En bottes et débardeur recouvert de boue, Noël, un voisin de Paulin surgi des eaux puantes d’où il extrait du sable, ne cesse d’y penser. Ce colosse de 34 ans aux yeux rougis par le whisky frelaté a vécu dix-huit ans à Brazzaville, d’où il a été expulsé avec femme et enfants comme des milliers d’autres kinois. Depuis cinq ans, il « souffre » à Kingabwa. « J’ai l’habitude de souffrir mais là, c’est trop. Les politiciens au pouvoir nous laissent mourir dans la misère, nous font du mal, gardent tout l’argent et nous laissent même pas des miettes, dit-il en faisant de grands gestes comme s’il se battait avec les esprits. Que les Occidentaux nous rendent Bemba, ils n’ont qu’à soutenir Tshisekedi ou Katumbi. Reprenez Kabila, qu’il parte loin du Congo. On est des millions à penser ça. »


Plus au sud, dans la bouillonnante commune de Matete, une grappe de jeunes retient l’attention. Pas seulement par leurs vêtements excentriques, leurs dreadlocks jaune fluo et leurs tatouages qui rappellent, pour certains, les visages des gangs maras du Salvador. Tout le monde semble les connaître et même les apprécier. Des vieux s’arrêtent pour les saluer comme on le fait pour des protecteurs. Les petits vendeurs de rue sont à leurs ordres. De charmantes jeunes filles entourent ces lascars d’Afrique centrale. Ce sont des kuluna, comme on appelle ici ces marginaux mués en violents criminels redoutés pour leur brutalité et leur aisance à manier la lame. Eux sont des membres de l’« écurie » CNPP, un nom de gang qui fait référence à l’hôpital psychiatrique de Kinshasa.

Comment perçoivent-ils le « 19 », ces petits gangsters aux poches débordant de lames de rasoir et de couteaux, machettes dans le sac à dos ? Ils sont parfois sollicités par des politiques pour renforcer les manifestants. « Si on vole, pille, agresse, c’est pour survivre et exprimer notre haine du pouvoir. L’actuel président ne nous aime pas, le pays doit changer, il faut le confier au vieux [Tshisekedi] qui ne cherchera pas à s’enrichir, dit Général 120, le chef de l’« écurie » CNPP. Si rien n’est fait le 19, ça va barder dans les quartiers et on est prêt à descendre en ville, on est prêt à tout. » Parole de kuluna.

Sauf que, du côté du pouvoir, on se dit aussi « prêt à tout » pour empêcher l’insurrection dont rêvent les quartiers populaires. Les forces armées ont démontré de quoi elles étaient capables lors des précédentes manifestations et de la tristement célèbre opération « Likofi » (« coup de poing », en lingala) menée entre novembre 2013 et février 2014 pour nettoyer la ville des kuluna. Le « nettoyage » avait plus de 50 morts, ce qui a récemment valu à plusieurs hauts gradés, dont le général Célestin Kanyama, chef de la police de Kinshasa, d’être placés sur la liste des sanctions américaines.

(politico via www.diaspordc.com)

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